« Tu as mérité d’être heureux »… Si tant est que l’expression peut réconforter ou flatter, elle n’en reste pas moins très fallacieuse… Le bonheur est-il une chose qui « se mérite » et donc celui qui n’est pas heureux, est-il moins méritant… Pourquoi certains mériteraient-ils d’être heureux plus que d’autres ? Celui qui n’est pas heureux serait-il fautif ? Celui qui crève dans un quelconque coin du monde serait-il forcément responsable de son propre malheur ? Ceux qui nagent dans le bonheur de la célébrité ou de la richesse matérielle sont-il d’office les plus méritants d’entre tous ? Le bonheur n’est pas la récompense pour quelqu’un de particulièrement méritant.
Il est tout aussi fallacieux de considérer le bonheur comme le but de l’existence. Il en est du bonheur comme de l’amour… Si on le cherche pour lui-même, il se dérobe ou conduit à des ersatz qui rendent perpétuellement insatisfait. Le but du tout homme est d’être un Homme, un Humain, riche de ce qu’il sait, de ce qu’il fait, de ce qu’il donne… Et au cours ou au bout de ses efforts pour être cet Humain, il arrive que le bonheur soit là, comme un merveilleux cadeau, une cerise sur le gâteau de la vie. Puis, il peut arriver aussi qu’il n’y soit pas. Ce n’est nullement une excuse pour arrêter d’être un Homme. Le bonheur tout comme l’amour, ne connaît pas de loi. Le bonheur est n’a pas à être un but, mais est une conséquence possible et imprévisible, de nos efforts pour être des Hommes.